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SOMMAIRE Page 1
L’ARTICLE DU MOIS
Haïti c'est un pays qui se vit, qui se ressent, où l'on se perd, où l'on découvre.
Page 4
VU DANS LA PRESSE ET L'EDITION
Traitre négrière
Page 4
L’ACTUALITE DU CHF
Lettre ouverte au Président M.Martelly
EDITORIAL
Emeline Sauvignet, coordinatrice du CHF depuis septembre 2007, effectuait cet été son sixième déplacement en Haïti, avant de nous quitter en décembre pour de nouvelles aventures. Elle était accompagnée de Mathilde Ory, qui va lui succéder, et elles ont rencontré des acteurs de la société civile haïtienne, partenaires du CHF ou d’associations membres du Collectif. A ce titre, elles se sont rendues aux Verrettes rejoindre l’association Ass’Hum et, grâce à celle-ci, ont fait une rencontre inattendue. C’est cette découverte fortuite qu’Emeline nous raconte ici.
Son récit et les questions qu’elle en tire sont passionnants, stimulants et graves. A partir de cette expérience imprévue, comme on peut en faire dans ce pays surprenant, Emeline nous transmet l’intérêt profond, intelligent et dynamique qu’elle porte à Haïti.
ARTICLE DU MOIS :
Haïti c'est un pays qui se vit, qui se ressent, où l'on se perd, où l'on découvre. A chaque fois.
Si vous allez aux Verrettes, dans la vallée de l’Artibonite, vous entendrez sûrement parler de « Tifat ». Lors de notre mission de juillet-août, nous avions l’adresse du Centre de Formation Lêveque en guise d’hébergement. Pour trouver, il faut demander « Chez Tifat », nous prévient-on. Josaphat, de son prénom complet, nous accueille très chaleureusement et nous fait faire le tour du propriétaire.
Un centre de formation modèle
Car Josafat, agronome de formation, est propriétaire de ce centre de formations, appelé Lêveque comme l'abitasyon[1], qui accueille des formations agricoles en tout genre : riziculture, transformation de fruits et légumes... Pendant que nous étions là, un groupe d'une vingtaine de femmes de 25 à 50 ans suivaient une formation de riziculture, selon la méthode SRI – Riziculture Intensive. « Les élèves formés viennent de tout le pays » raconte fièrement Josafat. D'ailleurs, le centre s'agrandit, et selon des normes bien réfléchies : il nous explique qu'à l'étage sont utilisés du béton et des matériaux légers comme le bois, le grillage, en cas de tremblements de terre, et que les fondations doivent être solidement conçues à l'aide de roches, pour faire face aux cyclones. A côté du bâtiment consacré à la formation, qui est également composé d'un réfectoire et de la cuisine, nous découvrons l'autre bâtisse, qui héberge dortoirs et chambres pour les élèves, mais aussi pour les personnes de passage dans la zone, comme nous. « Mais ce n'est pas un hôtel, tient-il à préciser, il s’agit en réalité de toute une organisation communautaire. »
Les richesses d’un système « intégré »
En effet, Josafat possède avec tous ses cousins, cousines, oncles et tantes éloignés 10 hectares, issus de ces ancêtres. Sur ces 10 hectares, cette grande famille plante du riz, des bananes, des goyaves, des mangues, de la canne à sucre, mais aussi des légumes. Josafat, lui, a une ferme. Nous n’avions encore jamais vu autant d'oies, de canards, de poules, de coqs, de poussins, de pigeons de races différentes, de dindes, de pintades, de faisans, de dindons, de perruches, de perdrix, de tourterelles, de lapins, de cochon, de paons, de flamants roses (oui, vous avez bien lu !), rassemblés sur un même territoire en Haïti ! Un centre d'incubation a été créé, où les poules pondeuses, meilleures couveuses que les oies ou les pintades, couvent les œufs de ces dernières pour un plus grand rendement. Quatre personnes, parfois plus en cas de besoin, s'en occupent à plein temps. A côté de ce poulailler/clapier, on a également élaboré un jardin créole où cohabitent orangers, manguiers, canne à sucre, piments, patates. Plusieurs composts (dont le lombricompostage) sont à l'expérimentation. Et il y a de l'eau. L'eau pour irriguer le jardin créole, pour abreuver les bêtes, pour alimenter des bassins. Des bassins dans lesquels nagent tilapia rose et gris.
« Et tout se tient, nous dit-il. Les feuilles des patates sont utilisées pour nourrir les lapins. Les déchets des lapins sont utilisés pour alimenter le compost. Les lombrics qui se reproduisent dans ce compost servent à nourrir les poissons. Les poissons sont pêchés pour nourrir tout le petit monde au centre de formation. Les restes de nourriture et les pelures des légumes sont donnés aux cochons, et aux autres animaux. C'est un système intégré ».
Fort de sa formation d'agronome, Josafat sait vivre de la terre, sait la respecter et respecter la biodiversité, faire que les plantes, les arbres, la terre, les bêtes et les Hommes cohabitent : il aime parler alors « d'agro-pastora-silva-omini-cologie ». Oublier l'Homme dans cette approche systémique serait une grave erreur. « Il est difficile de demander à des habitants de ne plus couper les arbres pour éviter le déboisement (seul 3% de la couverture terrestre haïtienne est boisée), alors que ces mêmes habitants gagnent leur vie en fabriquant et vendant du charbon de bois en ville. S'ils ne doivent plus couper les arbres, c'est pour l'ensemble du pays, les autres, mais pour eux-mêmes aussi.» C'est pour ça que Tifat aime parler de formations, il faut former les Hommes à comprendre la nature, et vivre de la terre. D'où la création du centre de formations.
Et puis il y a l'eau. L'habitation Lêveque héberge la source qui abreuve le bourg de Verrettes. Le maire, il fut un temps, a décidé de construire des canaux pour qu'elle coule des robinets de certaines maisons du bourg. Des ONG ont décidé de construire d'autres canaux pour certaines localités qui en manquaient. Mais personne n'a offert l'eau aux habitants de la zone même d'où est issue la source. Alors Josafat a créé pour eux, avec ses propres moyens, deux points d'eau où coule en continu et gratuitement cette eau claire qui peut se boire sans être filtrée. C'est la fin de la journée, des dizaines d'enfants et d'adolescents s'agglutinent joyeusement avec les « boquit[2] » sur la tête pour ramener l'eau à la maison. Et Tifat en est fier: il a racheté petit à petit les carreaux de terres qui appartenaient à des cousins, oncles, tantes, autour de la source même. Pour protéger la qualité de l’eau, il a clôturé l'espace afin d’empêcher les bêtes de venir polluer la terre. Il a cultivé des plantes diverses autour pour que la terre soit riche et qu'elle soit retenue en cas de fortes pluies. L'eau, richesse ultime, qui abreuve les Hommes, les bêtes, la terre.
Josafat, ou l’engagement citoyen
Comment cet homme, même avec un héritage terrien conséquent et une excellente formation en poche, a-t-il réussi à construire ce « paradis artibonitien »? Il n'y a pas d'investissement sans apport d'argent. Josafat a réussi à développer un commerce en obtenant le marché de livraison du gaz propane qui alimente les réfrigérateurs où sont stockés les vaccins et autres médicaments dans les centres de santé et les hôpitaux, privés et publics, des quatre coins du pays. Il a donc réussi à dégager une source de revenu important pour construire son éden.
Tout se tient. Mais c'est dur à comprendre. Éden privé, éden communautaire ? Apparemment pas éden public. Il y a lui, les autorités locales et les autorités nationales haïtiennes. Il n'attend rien d'elles et ne veut pas être dépossédé par elles. C'est sa terre, ce sont ses racines, sa communauté, son héritage. Il élude la question quand on lui demande ce qu'il se passerait si la commune des Verrettes lui proposait de lui racheter ses terres pour que le bien commun, l'eau, soit propriété de la collectivité reconnue légalement. « Refuser de faire de la politique est un acte politique» répond-t-il. « Je fais la différence entre le politique, acte citoyen, et la politique, obtention du pouvoir pour le garder » avons-nous entendu à maintes reprises pendant cette mission. Un grand nombre d’Haïtiens qui se battent pour la survie de leur congénères, qui ont « les mains dans le cambouis », que ce soit à la ville avec les enfants des rues, ou à la campagne avec les paysans, ne croient pas à la politique dans leur pays, ne croient pas en un État au service de sa population. Seul le réseau semble compter, les contacts parmi les fonctionnaires ou les élus, pour obtenir des faveurs de l'État.
Haïti est un pays qui ne se comprend pas facilement, sinon il serait moins impressionnant. Comment la logique communautaire cohabite-t-elle avec la logique individuelle ? Comment concilier les intérêts des autres avec ses propres intérêts ? Comment vivre pour et avec sa communauté tout en étant considéré comme un chef, qui a plus de pouvoir même que le maire et l'équipe municipale ? Comment réussir l'équilibre d'être parmi eux, dans le respect de chacun, et d’être au-dessus d'eux, suscitant un respect parfois disproportionné, sans perdre la tête ? Comment se battre au quotidien pour sa communauté, ses valeurs humanistes, sans rien attendre d'un État protecteur des biens communs? Comment comprendre que ces engagements, individuels et collectifs, et locaux, sont des « actes politiques citoyens » qui ne se transforment pas en des engagements « d'hommes politiques pour faire bouger les choses au niveau national» ? L'histoire politique haïtienne peut peut-être nous éclairer sur ce point. Esclavage, marronnage, libération, empires différents, présidences successives, occupation américaine longue de 30 ans, dictature des Duvaliéristes - macoutes et répressions -, espoir sous Aristide, désenchantement – chimères et corruption -, occupation onusienne « force de la paix » dans un pays sans guerre, aide internationale plus forte que le pouvoir central. Pouvoir qui ne se décentralise pas, qui ne cherche pas à émanciper sa population, pouvoir qui est occupé par la même élite politique et économique depuis de nombreuses années.
Tout se tient, ce qui n'est pas facile à comprendre. Et, nourrie de mes six déplacements sur cette île, Haïti reste toujours impressionnant à mes yeux.
Car il est impressionnant de voir comment les gens se battent au quotidien pour la vie. Impressionnant de voir comment tout se négocie : de la course de taptap (prix du transport public) à la déclaration d'école publique. Impressionnant de voir comme la complexité des logiques individuelles se mêlent à la logique de l' « habitation », de « l'organisation de base communautaire », du « service public rendu » pour le bien de tous. Impressionnante aussi est la nature : la formation des nuages gris et épais qui annoncent la venue du vent, puissant, et de la pluie, lourde ; la mer des Caraïbes, qui passe du calme couleur transparent, aux houles grises et violentes.
Haïti c'est un pays qui se vit, qui se ressent, où l'on se perd, où l'on découvre. A chaque fois.
[1] Habitation : terme employé pour désigner les plantations, les exploitations agricoles à l'époque coloniale
[2] Seau
VU DANS LA PRESSE
Le Monde – 14-15 octobre 2012 – Couacs entre l’Elysée et Matignon sur les traite négrière
Avant de s’envoler pour Kinshasa, où se tient ce samedi le sommet de la francophonie, le chef de l’Etat s’est en effet rendu sur l’île de Gorée, au large de Dakar, haut lieu de mémoire de la traite négrière. « Au nom du peuple français, je rends hommage à la mémoire des innombrables victimes de l’esclavage. Le rappel de cette tragédie lie à jamais l’Europe, l’Afrique, l’Amérique et les Caraïbes. Il nous oblige à lutter sans relâche contre toutes les formes de l’exploitation de l’être humain » a écrit le chef de l’Etat sur le livre d’or de la Maison des esclaves. Espérant, sans doute, que cette première visite officielle d’un président français à Gorée suffira à satisfaire les militants du devoir de mémoire.
L’ACTUALITE DU COLLECTIF HAITI DE FRANCE
Lettre ouverte au Président Martelly, envoyée par le Collectif Haïti de France et FAL le 1er octobre 2012
Monsieur le Président de la République, Depuis quelque temps, nos partenaires et nos amis d'Haïti, nous font part de leurs inquiétudes devant la remise en cause d'acquis démocratiques fondamentaux et d'un contexte général où un ensemble de dispositions présidentielles ou gouvernementales semblent avoir lieu en dehors des normes constitutionnelles et légales.
Le Collectif Haïti de France rassemble 80 associations membres et chacune de ces associations membres, travaille avec un ou plusieurs partenaires haïtiens intervenant directement dans les communautés locales du pays.
C'est à ce titre, que nous nous inquiétons de récentes décisions car elles ont des conséquences directes sur le développement des activités locales auxquelles nos associations contribuent.
Ainsi nos partenaires ont attiré notre attention sur la note du Ministère Haïtien de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales datée du 11 mai 2012 annonçant le changement de statut des Maires haïtiens en "Agents Exécutifs Intérimaires", et les nominations qui s'en sont suivies qui semblent contraires au processus démocratique. Une note ministérielle - dans le cadre des dispositions démocratiques légales qui garantissent la prééminence des textes constitutionnels et législatifs sur les règlements émis par l'exécutif - ne peut abroger et remplacer une disposition constitutionnelle ou une loi.
D'autre part, la décentralisation, dans le respect des dispositifs démocratiques et des collectivités locales, nous semble un gage de l'aménagement et du développement socio-économique des territoires haïtiens, un gage aussi de la pérennité et de l'épanouissement de la démocratie en Haïti. Nous avions eu l'occasion de travailler sur cette question lors d'une journée d'étude organisée à l'Assemblée Nationale à Paris le 1er juin 2011 avec des collectivités françaises, des organisations non gouvernementales françaises et haïtiennes et un député français*. Or, de toute évidence, et comme nous l’indiquent nos partenaires, la décision du 11 mai et son application remettent profondément en cause le processus de décentralisation mis en œuvre depuis plusieurs années en Haïti, alors que vous aviez annoncé vouloir en faire l'une des priorités de votre mandat.
Les communautés de la diaspora jouent un rôle important dans le développement local d'Haïti. Celles-ci ressentent déjà de grandes difficultés à poursuivre de manière efficace leur action dans le contexte actuel.
Nos inquiétudes nous conduisent donc, Monsieur le Président, à vous alerter et à vous demander de veiller au respect des moyens constitutionnels, légaux et institutionnels dont vous êtes le garant assermenté, pour faire de la démocratie et de la décentralisation des enjeux de premier ordre pour la réussite d'Haïti et de son peuple.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, nos respectueuses salutations.
Le Collectif Haïti de France - CHF
France Amérique Latine - FAL
*Lire la synthèse de la journée d’étude :
Organisations de Solidarité Internationale - Collectivités territoriales : Comment mieux intervenir ensemble en Haïti au service d'une décentralisation effective?
*** Lire le PDF
L’ARTICLE DU MOIS
Haïti c'est un pays qui se vit, qui se ressent, où l'on se perd, où l'on découvre.
Page 4
VU DANS LA PRESSE ET L'EDITION
Traitre négrière
Page 4
L’ACTUALITE DU CHF
Lettre ouverte au Président M.Martelly
EDITORIAL
Emeline Sauvignet, coordinatrice du CHF depuis septembre 2007, effectuait cet été son sixième déplacement en Haïti, avant de nous quitter en décembre pour de nouvelles aventures. Elle était accompagnée de Mathilde Ory, qui va lui succéder, et elles ont rencontré des acteurs de la société civile haïtienne, partenaires du CHF ou d’associations membres du Collectif. A ce titre, elles se sont rendues aux Verrettes rejoindre l’association Ass’Hum et, grâce à celle-ci, ont fait une rencontre inattendue. C’est cette découverte fortuite qu’Emeline nous raconte ici.
Son récit et les questions qu’elle en tire sont passionnants, stimulants et graves. A partir de cette expérience imprévue, comme on peut en faire dans ce pays surprenant, Emeline nous transmet l’intérêt profond, intelligent et dynamique qu’elle porte à Haïti.
ARTICLE DU MOIS :
Haïti c'est un pays qui se vit, qui se ressent, où l'on se perd, où l'on découvre. A chaque fois.
Si vous allez aux Verrettes, dans la vallée de l’Artibonite, vous entendrez sûrement parler de « Tifat ». Lors de notre mission de juillet-août, nous avions l’adresse du Centre de Formation Lêveque en guise d’hébergement. Pour trouver, il faut demander « Chez Tifat », nous prévient-on. Josaphat, de son prénom complet, nous accueille très chaleureusement et nous fait faire le tour du propriétaire.
Un centre de formation modèle
Car Josafat, agronome de formation, est propriétaire de ce centre de formations, appelé Lêveque comme l'abitasyon[1], qui accueille des formations agricoles en tout genre : riziculture, transformation de fruits et légumes... Pendant que nous étions là, un groupe d'une vingtaine de femmes de 25 à 50 ans suivaient une formation de riziculture, selon la méthode SRI – Riziculture Intensive. « Les élèves formés viennent de tout le pays » raconte fièrement Josafat. D'ailleurs, le centre s'agrandit, et selon des normes bien réfléchies : il nous explique qu'à l'étage sont utilisés du béton et des matériaux légers comme le bois, le grillage, en cas de tremblements de terre, et que les fondations doivent être solidement conçues à l'aide de roches, pour faire face aux cyclones. A côté du bâtiment consacré à la formation, qui est également composé d'un réfectoire et de la cuisine, nous découvrons l'autre bâtisse, qui héberge dortoirs et chambres pour les élèves, mais aussi pour les personnes de passage dans la zone, comme nous. « Mais ce n'est pas un hôtel, tient-il à préciser, il s’agit en réalité de toute une organisation communautaire. »
Les richesses d’un système « intégré »
En effet, Josafat possède avec tous ses cousins, cousines, oncles et tantes éloignés 10 hectares, issus de ces ancêtres. Sur ces 10 hectares, cette grande famille plante du riz, des bananes, des goyaves, des mangues, de la canne à sucre, mais aussi des légumes. Josafat, lui, a une ferme. Nous n’avions encore jamais vu autant d'oies, de canards, de poules, de coqs, de poussins, de pigeons de races différentes, de dindes, de pintades, de faisans, de dindons, de perruches, de perdrix, de tourterelles, de lapins, de cochon, de paons, de flamants roses (oui, vous avez bien lu !), rassemblés sur un même territoire en Haïti ! Un centre d'incubation a été créé, où les poules pondeuses, meilleures couveuses que les oies ou les pintades, couvent les œufs de ces dernières pour un plus grand rendement. Quatre personnes, parfois plus en cas de besoin, s'en occupent à plein temps. A côté de ce poulailler/clapier, on a également élaboré un jardin créole où cohabitent orangers, manguiers, canne à sucre, piments, patates. Plusieurs composts (dont le lombricompostage) sont à l'expérimentation. Et il y a de l'eau. L'eau pour irriguer le jardin créole, pour abreuver les bêtes, pour alimenter des bassins. Des bassins dans lesquels nagent tilapia rose et gris.
« Et tout se tient, nous dit-il. Les feuilles des patates sont utilisées pour nourrir les lapins. Les déchets des lapins sont utilisés pour alimenter le compost. Les lombrics qui se reproduisent dans ce compost servent à nourrir les poissons. Les poissons sont pêchés pour nourrir tout le petit monde au centre de formation. Les restes de nourriture et les pelures des légumes sont donnés aux cochons, et aux autres animaux. C'est un système intégré ».
Fort de sa formation d'agronome, Josafat sait vivre de la terre, sait la respecter et respecter la biodiversité, faire que les plantes, les arbres, la terre, les bêtes et les Hommes cohabitent : il aime parler alors « d'agro-pastora-silva-omini-cologie ». Oublier l'Homme dans cette approche systémique serait une grave erreur. « Il est difficile de demander à des habitants de ne plus couper les arbres pour éviter le déboisement (seul 3% de la couverture terrestre haïtienne est boisée), alors que ces mêmes habitants gagnent leur vie en fabriquant et vendant du charbon de bois en ville. S'ils ne doivent plus couper les arbres, c'est pour l'ensemble du pays, les autres, mais pour eux-mêmes aussi.» C'est pour ça que Tifat aime parler de formations, il faut former les Hommes à comprendre la nature, et vivre de la terre. D'où la création du centre de formations.
Et puis il y a l'eau. L'habitation Lêveque héberge la source qui abreuve le bourg de Verrettes. Le maire, il fut un temps, a décidé de construire des canaux pour qu'elle coule des robinets de certaines maisons du bourg. Des ONG ont décidé de construire d'autres canaux pour certaines localités qui en manquaient. Mais personne n'a offert l'eau aux habitants de la zone même d'où est issue la source. Alors Josafat a créé pour eux, avec ses propres moyens, deux points d'eau où coule en continu et gratuitement cette eau claire qui peut se boire sans être filtrée. C'est la fin de la journée, des dizaines d'enfants et d'adolescents s'agglutinent joyeusement avec les « boquit[2] » sur la tête pour ramener l'eau à la maison. Et Tifat en est fier: il a racheté petit à petit les carreaux de terres qui appartenaient à des cousins, oncles, tantes, autour de la source même. Pour protéger la qualité de l’eau, il a clôturé l'espace afin d’empêcher les bêtes de venir polluer la terre. Il a cultivé des plantes diverses autour pour que la terre soit riche et qu'elle soit retenue en cas de fortes pluies. L'eau, richesse ultime, qui abreuve les Hommes, les bêtes, la terre.
Josafat, ou l’engagement citoyen
Comment cet homme, même avec un héritage terrien conséquent et une excellente formation en poche, a-t-il réussi à construire ce « paradis artibonitien »? Il n'y a pas d'investissement sans apport d'argent. Josafat a réussi à développer un commerce en obtenant le marché de livraison du gaz propane qui alimente les réfrigérateurs où sont stockés les vaccins et autres médicaments dans les centres de santé et les hôpitaux, privés et publics, des quatre coins du pays. Il a donc réussi à dégager une source de revenu important pour construire son éden.
Tout se tient. Mais c'est dur à comprendre. Éden privé, éden communautaire ? Apparemment pas éden public. Il y a lui, les autorités locales et les autorités nationales haïtiennes. Il n'attend rien d'elles et ne veut pas être dépossédé par elles. C'est sa terre, ce sont ses racines, sa communauté, son héritage. Il élude la question quand on lui demande ce qu'il se passerait si la commune des Verrettes lui proposait de lui racheter ses terres pour que le bien commun, l'eau, soit propriété de la collectivité reconnue légalement. « Refuser de faire de la politique est un acte politique» répond-t-il. « Je fais la différence entre le politique, acte citoyen, et la politique, obtention du pouvoir pour le garder » avons-nous entendu à maintes reprises pendant cette mission. Un grand nombre d’Haïtiens qui se battent pour la survie de leur congénères, qui ont « les mains dans le cambouis », que ce soit à la ville avec les enfants des rues, ou à la campagne avec les paysans, ne croient pas à la politique dans leur pays, ne croient pas en un État au service de sa population. Seul le réseau semble compter, les contacts parmi les fonctionnaires ou les élus, pour obtenir des faveurs de l'État.
Haïti est un pays qui ne se comprend pas facilement, sinon il serait moins impressionnant. Comment la logique communautaire cohabite-t-elle avec la logique individuelle ? Comment concilier les intérêts des autres avec ses propres intérêts ? Comment vivre pour et avec sa communauté tout en étant considéré comme un chef, qui a plus de pouvoir même que le maire et l'équipe municipale ? Comment réussir l'équilibre d'être parmi eux, dans le respect de chacun, et d’être au-dessus d'eux, suscitant un respect parfois disproportionné, sans perdre la tête ? Comment se battre au quotidien pour sa communauté, ses valeurs humanistes, sans rien attendre d'un État protecteur des biens communs? Comment comprendre que ces engagements, individuels et collectifs, et locaux, sont des « actes politiques citoyens » qui ne se transforment pas en des engagements « d'hommes politiques pour faire bouger les choses au niveau national» ? L'histoire politique haïtienne peut peut-être nous éclairer sur ce point. Esclavage, marronnage, libération, empires différents, présidences successives, occupation américaine longue de 30 ans, dictature des Duvaliéristes - macoutes et répressions -, espoir sous Aristide, désenchantement – chimères et corruption -, occupation onusienne « force de la paix » dans un pays sans guerre, aide internationale plus forte que le pouvoir central. Pouvoir qui ne se décentralise pas, qui ne cherche pas à émanciper sa population, pouvoir qui est occupé par la même élite politique et économique depuis de nombreuses années.
Tout se tient, ce qui n'est pas facile à comprendre. Et, nourrie de mes six déplacements sur cette île, Haïti reste toujours impressionnant à mes yeux.
Car il est impressionnant de voir comment les gens se battent au quotidien pour la vie. Impressionnant de voir comment tout se négocie : de la course de taptap (prix du transport public) à la déclaration d'école publique. Impressionnant de voir comme la complexité des logiques individuelles se mêlent à la logique de l' « habitation », de « l'organisation de base communautaire », du « service public rendu » pour le bien de tous. Impressionnante aussi est la nature : la formation des nuages gris et épais qui annoncent la venue du vent, puissant, et de la pluie, lourde ; la mer des Caraïbes, qui passe du calme couleur transparent, aux houles grises et violentes.
Haïti c'est un pays qui se vit, qui se ressent, où l'on se perd, où l'on découvre. A chaque fois.
[1] Habitation : terme employé pour désigner les plantations, les exploitations agricoles à l'époque coloniale
[2] Seau
VU DANS LA PRESSE
Le Monde – 14-15 octobre 2012 – Couacs entre l’Elysée et Matignon sur les traite négrière
Avant de s’envoler pour Kinshasa, où se tient ce samedi le sommet de la francophonie, le chef de l’Etat s’est en effet rendu sur l’île de Gorée, au large de Dakar, haut lieu de mémoire de la traite négrière. « Au nom du peuple français, je rends hommage à la mémoire des innombrables victimes de l’esclavage. Le rappel de cette tragédie lie à jamais l’Europe, l’Afrique, l’Amérique et les Caraïbes. Il nous oblige à lutter sans relâche contre toutes les formes de l’exploitation de l’être humain » a écrit le chef de l’Etat sur le livre d’or de la Maison des esclaves. Espérant, sans doute, que cette première visite officielle d’un président français à Gorée suffira à satisfaire les militants du devoir de mémoire.
L’ACTUALITE DU COLLECTIF HAITI DE FRANCE
Lettre ouverte au Président Martelly, envoyée par le Collectif Haïti de France et FAL le 1er octobre 2012
Monsieur le Président de la République, Depuis quelque temps, nos partenaires et nos amis d'Haïti, nous font part de leurs inquiétudes devant la remise en cause d'acquis démocratiques fondamentaux et d'un contexte général où un ensemble de dispositions présidentielles ou gouvernementales semblent avoir lieu en dehors des normes constitutionnelles et légales.
Le Collectif Haïti de France rassemble 80 associations membres et chacune de ces associations membres, travaille avec un ou plusieurs partenaires haïtiens intervenant directement dans les communautés locales du pays.
C'est à ce titre, que nous nous inquiétons de récentes décisions car elles ont des conséquences directes sur le développement des activités locales auxquelles nos associations contribuent.
Ainsi nos partenaires ont attiré notre attention sur la note du Ministère Haïtien de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales datée du 11 mai 2012 annonçant le changement de statut des Maires haïtiens en "Agents Exécutifs Intérimaires", et les nominations qui s'en sont suivies qui semblent contraires au processus démocratique. Une note ministérielle - dans le cadre des dispositions démocratiques légales qui garantissent la prééminence des textes constitutionnels et législatifs sur les règlements émis par l'exécutif - ne peut abroger et remplacer une disposition constitutionnelle ou une loi.
D'autre part, la décentralisation, dans le respect des dispositifs démocratiques et des collectivités locales, nous semble un gage de l'aménagement et du développement socio-économique des territoires haïtiens, un gage aussi de la pérennité et de l'épanouissement de la démocratie en Haïti. Nous avions eu l'occasion de travailler sur cette question lors d'une journée d'étude organisée à l'Assemblée Nationale à Paris le 1er juin 2011 avec des collectivités françaises, des organisations non gouvernementales françaises et haïtiennes et un député français*. Or, de toute évidence, et comme nous l’indiquent nos partenaires, la décision du 11 mai et son application remettent profondément en cause le processus de décentralisation mis en œuvre depuis plusieurs années en Haïti, alors que vous aviez annoncé vouloir en faire l'une des priorités de votre mandat.
Les communautés de la diaspora jouent un rôle important dans le développement local d'Haïti. Celles-ci ressentent déjà de grandes difficultés à poursuivre de manière efficace leur action dans le contexte actuel.
Nos inquiétudes nous conduisent donc, Monsieur le Président, à vous alerter et à vous demander de veiller au respect des moyens constitutionnels, légaux et institutionnels dont vous êtes le garant assermenté, pour faire de la démocratie et de la décentralisation des enjeux de premier ordre pour la réussite d'Haïti et de son peuple.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, nos respectueuses salutations.
Le Collectif Haïti de France - CHF
France Amérique Latine - FAL
*Lire la synthèse de la journée d’étude :
Organisations de Solidarité Internationale - Collectivités territoriales : Comment mieux intervenir ensemble en Haïti au service d'une décentralisation effective?
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